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Ce blog contient mes articles. Mais aussi des commentaires sur mon ouvrage "L’Écriture de Rachid Boudjedra". Ici, je réagis à l'actualité, partage mes idées et mes lectures. Mohammed-Salah ZELICHE

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vendredi 28 novembre 2008

Dans la spirale de la conspiration culturelle


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DÉBAT

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La Nouvelle République - 3274 - Mardi 25 novembre 2008

Dans la spirale de la conspiration culturelle

Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (III)




III/ Le sarcasme : fondements et prolongements


Prétextes sont tous ces appels à Voltaire et à ses pairs. Derrière, on doit voir se profiler quelque chose de pervers, dissimulant piètrement la perfidie et la mauvaise foi.


En effet, qu'y a-t-il de ressemblant dans l'affaire de Charlie Hebdo et celle du chevalier de La Barre – celui-ci écartelé, cinglé, torturé à mort pour s'être abstenu d'ôter son chapeau au passage d’une procession religieuse ? Incomparables ! C’est pourtant cette affaire que l'on prend toujours comme exemple de « délit de blasphème ». Au point où aujourd’hui Philippe Val atrocement blessé dans son orgueil titre son livre : Reviens, Voltaire ! Non pas seulement pour justifier son islamophobie mais encore pour dire son indignation à l’égard de son collègue Siné et ceux qui hier l’épaulaient devant les juges.


Or le terme de blasphème n'a de sens, avons-nous dit, que dans le cadre de la religion du blasphémateur. En dehors, l'on est plutôt dans la provocation. En conséquence, il y a distorsion du sens au moins par décontextualisation. Il y a confusion volontaire. Surtout refuge et subterfuge. Valeurs républicaines ? Un écran fumigène comme tous ceux des concepts éculés invoqués à tout bout de champ. Mais Charlie Hebdo y trouve son compte, y trouve matière à se victimiser en qualifiant son procès d'obscurantiste et de chasse aux sorcières. En réalité, il est loin d'honorer le principe de liberté d'expression, de pensée ou de création ; comme, d’ailleurs, d’assumer courageusement son rôle de provocateur.


Aujourd'hui, le « délit de blasphème » n'est pas l'apanage des seules religions mais, sans généraliser, il est aussi celui des laïcs. Car qui peut nettement affirmer si l’allégation de délit de blasphème n'est pas ici l'alliée vénérée d'un racisme culturel, d'une conviction laïque qui ne transcende son Moyen-âge obscurantiste que pour y retourner ? Les caricatures islamophobes sont la caractéristique d’une lutte constante avec l’Autre – précisément, avec la différence dans ce qu’elle a de culturel, religieux et psychologique. Dans ce cas de figure, on le constate, le moindre est de voir venir à la charge avec des préconçus dépourvus de générosité et souvent générés par la peur d’être désavoué. De là le langage et les jugements d’emblée dévalorisants sur l’Autre qui orientent vers des lendemains sinon apocalyptiques du moins hostiles.


De là la roue infernale du mépris !… tournant à l’infini.


Trouvons ici l’émanation du rejet primesautier des colonisés d’autrefois. Rejet pouvant, par une nature substitutive et/ou extensive, selon les circonstances et les enjeux de l’heure, affecter l’habitant des banlieues comme l’étranger sans papiers ou toute entité aux accents fort évocateurs de condition inférieure. En cela, les fameux dessins danois constituent une attaque à l’endroit de l’Islam commençant à faire partie du paysage européen, des symboles dans ce qu’ils ont d’étrange et d’Étranger. Ils sont le lieu d’un défoulement de haine au moins inconscient et d’un rituel conjuratoire de la peur.


Imaginez des poupées vaudoues qu’on transperce de mille et une aiguilles pour ruiner l’Autre et ses moyens ! Imaginez encore la poupée vaudoue de Sarkozy piquée aux testicules, aux oreilles, au nez, aux fesses… même symboliquement il ne l’a pas supporté… la France entière l’a entendu ‘’hurler’’, lui, le témoin moral de Philippe Val. Conflits des symboles mais aussi des mythes et des territoires. Ces gestes dans le cadre d’une cabale exercent une pression sur les consciences et les imaginaires. Mais pas seulement : ils s’emploient contre les lois pour les faire ployer au profit d’un culte plutôt qu’au profit d’un autre. Au profit d’un nationalisme plutôt que d’un autre…


Parquer l’Autre et le taguer est en définitive un trait de la caricature qui ne sait pas ne pas essentialiser, globaliser, grossir, exagérer, déformer dans un langage de mégère impuissante à laquelle il reste la force diffamante de la méchanceté. Or « Lorsqu’on leur dit : ‘’Ne faites pas de mal sur la Terre !’’, ils répliquent : ‘’Nous ne sommes que des réformateurs.’’ [1]»


À quoi joue-t-on donc ? N'y a-t-il pas là en fait des raisons occultes hautement stratégiques qui outrepassent le cadre de la stricte réalité française ? C’est le lieu d’en parler. Les médias de la trempe de Charlie Hebdo servent à quelque chose. À faire monter la mayonnaise ! À coup de fouet, de matraquage, de répétitions… ils persuadent les esprits, les gavent dans leurs râteliers, pour ensuite les envoyer aux abattoirs. Ils sont l’offense que rien ne sépare des offensives, hardis aux côtés des escadrons qui sèment la peur et sèment la mort. Avant-gardes comme arrière-gardes, ils arment allégrement les canons de préjugés, de ressentiments, de mots mensongers, de haines irascibles, séculairement ancestrales… pour des tirs groupés et ciblés.


Il suffit aujourd’hui de mettre sur le grill un sujet… appelons ça terrorisme, islamisme, intégrisme, fanatisme, intolérance, droits des femmes, États voyous, dictature, privations des libertés… pour que le mélange du vrai et du faux opère. Saveur exquise ! Ça aiguise les appétits de guerre, chatouille les narines des croisés attardés. Des Talibans à la guerre d’Irak en passant par le 11 septembre, les médias n’ont guère cessé de postillonner… tant et si bien que la folie a recouvré ses pleins droits. Des Talibans en traçant tout droit vers la Syrie et l’Iran de Mahmoud Ahmedinejad… et en passant par l’agression du Liban ! Cela, pendant que l’étau infernal se resserre sur Gaza. Et alors que ses populations croupissent dans le malheur, creusent des tunnels pour échapper à leur sort, les médias parlent du Hamas, des poils de sa barbe, de sa keffieh. Voire des enfants kamikazes qui troublent le bleu du ciel et le paradis israélien.


Il faut appeler les choses par leurs noms. Reconnaître que ce breuvage dont on soule le monde est concocté pour obnubiler les regards. Présenter l’État d’Israël comme un modèle de démocratie, un pourvoyeur de liberté, encerclé par un monde arabe intolérant, arriéré, belliqueux, revanchard, fermé sur lui-même… que sais-je encore ?... voilà qui s’appelle élever l’imposture au-dessus de tout. Élever des remparts autour de la dernière citadelle du colonialisme. Et l’imposture est justement de sacraliser les agressions d’un État qui – depuis sa création, pour ne pas dire son implantation – déstabilisent le Proche-Orient et le monde entier.


Certes tout le mal ne vient pas que d’Israël et de l’Occident. Et les Arabes et les Musulmans ne sont guère excusables quand il s’agit de leurs entorses évidentes aux libertés, à la démocratie et à la laïcité. Quand il s’agit de sortir des carcans du passé, du monnayage de celui-ci et qu’il faut actualiser les réflexes… Quand il faut désigner franchement l’horreur de certaines pratiques antédiluviennes – au lieu de les légitimer au nom de l’Islam. Mais là est une autre question à la résolution de laquelle seuls les intéressés sont conviés qui, eux, s’engagent avec sincérité quand ils le peuvent.


Sincèrement, l’aberrance des aberrances reste le fait de demeurer aveugle face aux déviationnismes des vieilles démocraties. C’est de persister à ne pas comprendre qu’on ne peut préjuger de l’heure à laquelle la course prend fin. A ce sujet, et quant aux résultats, rendez-vous est pris dans dix ans, un siècle ou un millénaire… Pour l’instant, rendons-nous compte : au nom de la démocratie… mine de rien…on rase des villes, déstabilise des pays, provoque des génocides.


Entre le discours de certains et le massacre d'innocents, il n'y a souvent qu'un pas à faire. La transgression de cette ligne s’avère d'autant plus régressive qu’elle ouvre la voie à l’arbitraire et à l’injustifiable. L’affaire des caricatures ne consiste pas dans un simple dérapage verbal. Elle ne représente en rien un aspect de la communication – étant par essence liberticide, distorsion du sens, vanité des individus et des groupes, affront au goût et à l’art eux-mêmes.


Bref, la stigmatisation des inepties de l’Autre illustre bien une façon de se pardonner à travers lui. Elle demeure inséparable des machinations qui engendrent les boucs émissaires et les guerres. Le signe avant-coureur en est l’hystérie qui accompagne le saccage de certains symboles et la mise à l’index des minorités – ce à quoi se sont adonnés les caricatures danoises et Charlie Hebdo.


Mohamed-Salah ZELICHE


(Suite et fin)


[1] Coran, sourate de La vache, verset 12.


POUR CITER CET ARTICLE :

Mohamed-Salah Zeliche, "Dans la spirale de la conspiration culturelle.
Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (III)",
http://sentiers-sentiers.blogspot.com

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http://www.lanouvellerepublique.com/

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mardi 25 novembre 2008

Dans la spirale de la conspiration culturelle.


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DEBAT

La Nouvelle République – 3273 – Lundi 24 novembre 2008

Dans la spirale de la conspiration culturelle

Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (II)

Ce qui jadis est commis au nom de la religion peut l'être de nos jours au nom de la raison, de la laïcité, du reste au nom de la doxa. Et, de fait, celle-ci revêt aujourd’hui les oripeaux de l'ordre ancien et de la terreur divinisée.


II/ Si le ridicule tuait…


C'était la religion qui, hier, expliquait le monde. Ce sont la psychanalyse, la philosophie, l'anthropologie, l'ethnologie, la sociologie… qui, aujourd'hui, prétendent nous en éclairer. Mais si l'on a tendance à dire que la philosophie est la mère de toutes les sciences, il faut reconnaître que la religion en est le sein – certes contesté. Platon, le pourfendeur des mythes en montre tout de même dans son œuvre de sectaires et déplorables survivances.


On peut dire autant de Philippe Val, même si comparaison n’est pas toujours raison, lorsque face aux organisations musulmanes il invoque le retour du délit de blasphème. Cela, alors qu’il a lui-même son veau d’or, ses idoles qu’il adule et adore au point de vouer aux gémonies quiconque les touche. Philippe Val, digne promoteur des caricatures danoises, de la pensée libérale et des valeurs humaines, s’avère n’être qu’un sectaire… sarkozien dans les tripes !


Voyons comment appréhender le mot blasphème et osons cette approche. C’est à la fois une attitude de révolte et un aveu d'impuissance. Au refus des choses de changer leurs cours, le blasphémateur oppose ses griefs, son exaspération et sa haine. Ce qui ne veut pas dire, bien évidemment, que toutes les révoltes sont malsaines ou déloyales. Ce qui ne signifie pas non plus que le blasphème n'est guère parfois un signe de clairvoyance. S’il est en soi la critique par excellence, il ne passe pas moins à côté de la réalité et du bon sens. C’est donc lorsque la religion ou tout discours uniformisant cessent de convaincre ou d’être cohérents et qu’on s’en offusque au point de scandaliser.


Le « délit de blasphème » est quant à lui situable dans ces trois exemples. Son supplice, Jésus Christ le doit à un blasphème qu'il aurait commis à l'égard de la religion de l'époque – à laquelle on aurait pensé qu'il appartenait d’office. Itou pour le chevalier de La Barre (1746-1766) considéré comme blasphémateur envers le christianisme, auquel, au regard de l'Église, il était sensé se dévouer corps et âme. Itou pour Voltaire qui avait pris sa défense et dut fuir pour échapper lui-même au châtiment. D’où, si on sait bien regarder : insulter une religion qui n'est pas la sienne n'est guère du point de vue de celle-ci le blasphème dans le sens d’apostasie mais une agression étrangère. Aujourd'hui, certes, on utilise le terme à tout-venant. On peut commettre un blasphème simplement parce qu’on n’a pas prêté attention à une œuvre communément admise. Et, tenez-vous bien, on peut en commettre envers la ‘’liberté de dénigrer et d’offenser’’… tout comme lorsqu’on a déploré l’abusive machination de Val et ses pairs.


Au regard de la laïcité ? Il pourrait s'agir d'agression, d'incitation à la haine et à la violence. Par exemple : quand on outrepasse le cadre individuel de la liberté de penser et de croire. Quand on empiète sur le terrain de l’Autre ou qu’on écrase ses salades. Quand cela prend l'ampleur d'une cabale de nature à corrompre les rapports interhumains, à compliquer l'existence à un groupe et à exciter sa colère pour ensuite la retourner contre lui. C’est lorsque la sensibilité d’autrui entend être respectée mais qu’on lui oppose une panoplie d’arguments vieux comme le monde et guère en vigueur. Genre : inquisition, délit de blasphème, refus de la critique et du progrès. Le tout présenté sous le label du très sacré et très sucré rationalisme… et avec un refus notoire de comprendre qu'il ne suffisait pas de hisser la bannière de celui-ci pour en être aussitôt un adepte honorable.


La laïcité donne le droit de ne pas penser comme les autres. Sous aucun prétexte, elle ne donne celui de bousculer leur foi. Elle sert le progrès et la raison mais n’est ni le premier ni la seconde. Sa raison d’être est que l'absence de toute modération attise les tensions, qui poussent et la logique et le progrès à s'exiler. C’est ce qui permet aux religions d’exister et de coexister. Loin d’elle, en principe, toute idée de cantonner aucune d’elles, elle leur procure la possibilité de conjuguer leurs énergies autour d’un idéal commun : la construction du pays. Elle fait cohabiter toutes les différences, gérant leurs mouvements à l’image des feux tricolores aux intersections. Sachant que nul ne détient la vérité absolue ou que nul n'est en droit d'imposer sa logique aux autres, elle propose d’être la synthèse et le bon sens parce que résultant de l'égard qu'on accorde aux choses, aux hommes et au monde. Elle est la pondération qui invite à trouver un terrain d'entente et appelle à s’inspirer les uns les autres. Voire le langage qui ne peut s'accommoder de l’arrogance ni du mépris envers l'Autre. De là

dans la conjoncture délicate des luttes politiques, des règles de la démocratie, du respect de l'intégrité de la personne – fût-ce au détriment de nos bouillantes convictions –, il faudrait nous garder d'aller au-delà de ce que peut supporter le débat [1].

Mais Val n’est pas à un affront près envers les Arabes, ses ennemis traditionnels. Pour ne pas dire contradiction.


Sa prise de parole à l’annonce de sa relaxe a sans doute subjugué le public très nombreux. Il invite les organisations musulmanes « à continuer ce débat pour dénoncer le choc des civilisations et l’inimitié programmée ». Mais cette bonne volonté n’était qu’épisodique. A peine retrouve-t-il ses pantoufles et la douceur des origines qu’il reprend du poil de la bête. Et, obsédé qu’il est, il se remet à sa branlette : les Arabes pendant la seconde guerre mondiale aurait couché comme un seul homme avec Hitler – et sans préservatif. En réalité, son string porte la griffe du Mossad… et ce n’est pas grave, paraît-il. Arrimé à l’idée d’une compromission des Arabes avec Hitler, il oublie que celui-ci pouvait être l’aubaine qui, à l’époque, les délivrerait de l’enfer colonial. De la conjuration d’Israël et des Alliés. D’aucuns diront, à la façon dont on le voit couché à la renverse : à chacun ses gigolos.


La critique désobligeante a beau montrer qu’elle est scandalisée, elle échoue d’entrée de jeu à parler aux esprits. Ses perspectives ne consistant pas dans le dialogue mais dans le déni de l’Autre et dans l’idée préconçue que celui-ci est culturellement et psychologiquement sous développé. Elle a beau fustiger le terrorisme, le racisme, l’intégrisme, le nazisme, le fascisme, le stalinisme… elle n’en reste pas moins elle-même la voix exaltée. Elle est la parole sans partage ! A moins bien sûr qu'on n’ait grand besoin de choquer, scandaliser, attirer l'attention sur soi, susciter des solidarités et des sympathies malsaines, on ne mange pas de ce pain qui ne mérite aucun éloge.


Or ça rapporte…il faut le dire… la haine de l’Autre. Qui peut en effet savoir mieux qu’un directeur de journal que la façon partisane de traiter certains sujets est à même d’entraîner des ravages ? La publication des caricatures, dites du prophète Mahomet, est révélatrice de l’existence de non-dits, d’enjeux et en somme d’intention de nuire. Elle a, au demeurant, sorti Charlie Hebdo de l’anonymat, décuplé ses ventes malgré sa médiocrité, permis à son directeur de monter ses grands chevaux pour attaquer une communauté dont il n’a aucune connaissance véritable.


A retenir qu’entre Voltaire et Val il n’y a de commun que la lettre qui commence leurs noms. Le Traité sur la tolérance, et l’esprit qui les caractérise n’ont nul besoin d’être exhumés, rappelés ou réhabilités : sachant le relativisme des jugements auxquels Voltaire recourt autant pour marquer les espaces spécifiques que pour en désigner les interdépendances. Les appels lancés à travers cette approche n’ont de sens ici que par le renom de Voltaire, par ce qu’ils apportent de détours au polémiste. C’est là l’entreprise d’une vue réductrice qui trouve son salut dans le décentrement de la question.


Du coup, on le constate, la tolérance devient simple prétexte.


Mais voici une autre voix au « génie » consistant dans le scandale qu’elle appelle. Elle se dit avant-gardiste, mais mêle la boue, la bouse, le fiel, la fiente et le sang des innocents :

Chaque fois que j’apprenais qu’un terroriste palestinien ou un enfant palestinien ou une femme enceinte palestinienne, avait été abattu par balles dans la bande de Gaza, j’éprouvais un tressaillement d’enthousiasme… (Houellebecq) [2].


Traîné devant les juges, Houellebecq pourra toujours user du prétexte que l’auteur n’est pas le narrateur – sans pourtant jamais désavouer celui-ci. Insulter un peuple qui souffre de la domination d’un autre et en faire porter le chapeau à un personnage pseudo fictionnel : c’est, en fait, non pas seulement accabler le Palestinien mais faire fi de l’humain et reléguer la culture dans les cloaques de l’insalubre.


Trouvons dans cette « perle » un lien biologique, significatif d’un racisme primaire. Quand bien même Philippe Val tiendrait un « certain » sionisme pour de l’antisémitisme et du racisme, il l’ajouterait avec bonheur à son trophée. C’est un délire d’anéantissement de l’autre s’appuyant sur l’esprit des Lumières pour entraîner sa ruine. Son caractère est morbidement jouissif, dès lors qu’on considère le déluge d’applaudissements qui accompagna tant la relaxe de Val que celle de Houellebecq.


Face à une telle parole, Voltaire perdrait volontiers son sang froid au point peut-être de couper la langue à son auteur. Il est vrai qu’il n'y a là rien qui soit de l'ordre du blasphème. Mais encore moins qui s'apparente à la critique digne de ce nom. Et si ces propos (comme les caricatures islamophobes) ne déstabilisent guère l’Islam, il reste qu'on doit montrer leurs ressorts pitoyables. Voire relever les incohérences et les échappatoires de la justice française : elle relaxe Val au prétexte que ses caricatures ne visent qu’une fraction de musulmans et elle fait autant pour Houellebecq, ne jugeant ses propos attentatoires qu’à l’Islam, non aux Musulmans.


Si le ridicule tuait… beaucoup ne seraient pas aujourd’hui de ce monde… qui se porterait peut-être bien.


Mohamed-Salah ZELICHE




(A suivre…)



[1] Cf. notre article, « Fiction et réalité : dépassement et diffamation »,

sur sentiers-sentiers.blogspot.com/

[2] Michel Houellebecq, Plateforme, Paris, Flammarion, 2001.

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POUR CITER CET ARTICLE :

Mohamed-Salah zeliche,

« Dans la spirale de la conspiration culturelle. Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (II)»,

http://www.lanouvellerepublique.com/pdflnr/2008/11/25/lnr.pdf

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samedi 22 novembre 2008

Dans la spirale de la conspiration culturelle.

A mes correspondants et amis :
Mes deux messageries
zeliche@yahoo.fr et zeliche@hotmail.com
sont tombées entre les mains d'un hacker.
Faites bien attention si on vous contacte par leurs biais.
Utilisez cette adresse pour me joindre : mos.zeli2007@gmail.com
Cordialement.
Mohamed-Salah
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DEBAT

La Nouvelle République – 3272 – Dimanche 22 novembre 2008

Dans la spirale de la conspiration culturelle

Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (I)

Source : afp.google.com

Article

Paru le 22 novembre 2008

in La NOUVELLE République,

quotidien algérien d'information. Rédigé par Mohamed-Salah Zeliche

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Tout le monde a vu Philippe Val faire la promotion de son livre au titre voltairien et républicain [1]. Convaincu que le monde est engoncé dans une naïveté condamnable, il enchaîne les émissions – télé et radio. A un point tel que, lorsqu’on se met à douter de sa bonne parole, il se rétracte dans sa bulle – sourd à l’opinion adverse.


I/ Le démenti

Dans l’émission de Laurent Ruquier, il n’a pas prononcé deux mots qu’il tombe déjà dans la trappe tendue par les deux Eric (Zemmour et Naulleau) [2]. Ils lui rappellent ses contradictions, mettent à plat sa logique, écrasent son bric-à-brac provenant de la sempiternelle bien-pensance. Les anachronismes qu’il convoqua crèvent le milieu du tableau et sa vérité ne trompe personne.


Val se croit tout désigné pour donner des leçons. Jamais pour en recevoir. Ses prêches sont tenaces et même interminables.


Son livre en est l’illustration, au seuil avenant duquel commencent les faux-semblants. Il arrive à point nommé avec ses frasques et tout ce que le temps a rassemblé de passions et de ressentiments – notamment depuis les fameuses caricatures. Avec ses fourberies qui entendent gouverner. Avec la panoplie des idées servies et resservies à l’opinion. Il exhume le Voltaire du Traité sur la tolérance, farfouille dans les recoins sombres des années trente, revient sur l’affaire Fofana. Bref : du particulier, il se dirige tout de go vers le général. Il s’empêtre dans sa mêlasse, oubliant jusqu’à son credo qui consiste à dénoncer sans ménagement les réflexes essentialistes. Tels que « le Juif est usurier », « le Musulman est terroriste », « le Noir est sale »… Tout ce qu’il développe œuvre à enfermer le Musulman et l’arabe dans la seule idée qu’ils sont intolérants et que tout le mal vient de là. Ainsi en est-il de Mein Kampf (c'est-à-dire Mon combat) et d’Hitler lorsqu’en 1923 il s’attaque aux Juifs et aux Tsiganes. On peut se balader dans n’importe quel discours de Val, tout ramène toujours à une même thèse – incurablement ulcérée.


En réalité, le si sulfureux directeur du si satirique Charlie Hebdo n’a pas été sans laisser beaucoup de plumes dans la légendaire affaire des caricatures danoises : il sait à peine cacher sa descente aux enfers.


Il est non seulement incohérent mais reste à dix mille lieues d’être aussi bienveillant qu’il l’enseigne. C’est un Val terrible d’intolérance, creux et sans d’autres voix que celle du vent qui secoue son être ! Et quel vent ! Un vent vicié que le mépris des siècles inspire aux âmes incommodées.


Il prêche dans le désert… et en est conscient. Car ses interventions portent les stigmates d’un orgueil durement malmené. Elles constituent le lieu d’un lifting moral et d’un désir de revanche. Désormais, il n’est plus qu’un chasseur pourchassé… dont la logique a du plomb dans l’aile et pique tout droit vers les marigots du discrédit.


Dans un article, paru sur son blog [3], la dérision prend le pas sur la bonne contenance. Il aurait aimé ajouter sa ‘’solitude’’ à celles de Michel Houellebecq et Bernard-Henri Lévy. Ceux-là, s’affichant comme des écorchés de la bêtise humaine, pour ainsi tirer du renom, s’auto-désignent « ennemis publics » dans le livre du même nom regroupant leurs échanges épistolaires [4]. Il est dans une telle logique de concurrence qu’il va contester aux plaintes de ses amis de s’élever au-dessus des siennes. Il a lui aussi dans le martyre et le masochisme de quoi recommencer une dignité anéantie :


– Si j’avais su, je t’aurais proposé qu’on écrive nos e-mails à trois, mais comme tu semblais te destiner à une carrière de scénariste à Hollywood […]. On pourrait appeler ça Lou Haï ou bien : Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? Ou encore : C’est vraiment trop injuste […].


Tout cela sur un ton de plaisanterie enrobé et qui, en fait, sous-entend : Basta Bernard… basta Michel… plus crucifié que moi, ça n’existe pas ! Finalement, chez cette espèce d’intellectuel, l’avantage est surtout narcissique que l’on tient à remporter sur les contradicteurs.


N’en croyez rien, sauf par les racistes impénitents et les islamophobes, s’ils sont tous « mal-aimés » c’est pour leurs impostures évidentes. Il aurait aimé dire à la planète Terre, lui, Val, combien « le bon sens » se paie cher ! Bon sens… à l’aune d’une pensée sous tutelle et formatée. Or le désormais « mal-aimé » devra redoubler de prouesses, faire des pieds et des mains, passer outre les cris d’orfraies qui se multiplient. Il a contre lui ses amis et ses frères… qui usent et abusent – autant sinon mieux que lui – du circuit médiatique. L’heure donc est venue des recyclages, des incantations et des imprécations. Vivement l’histoire et ses noms prestigieux pour faire un pied de nez au mauvais sort. Et, en effet, pour donner un deuxième pied à sa vérité… qui ne tenait déjà plus debout. Reviens, Voltaire !


Deux livres et trois « mal-aimés », pareillement timorés parce qu’on ne les prend pas au sérieux. Ces preux chevaliers… ces croisés de la culture et de la critique « sans frontière » ! Même présents sur tous les plateaux des télés et des radios, ils geignent à faire fondre les cœurs. En s’arrogeant le statut de victime, on peut autant qu’on veut recommencer le siège de Jérusalem. En attendant, Val de sa plume acéré transforme systématiquement ses contradicteurs en antisémites avérés, les envoyant sous le couperet de sa guillotine pour regarder, dans un enivrement religieux, leurs têtes rouler « dans le panier de la liberté d’expression [5]». Sa cruauté, son inconscient l’a ainsi exprimée. Entendre donc : panier du cynisme et de l’oppression.


Voilà le type même du démocrate autoproclamé… promoteur en fait d’une pensée désespérément unique.


Bien des choses réunissent ces chauffards de la plume chouchoutés des médias. On se souvient des mêmes BHL, Finkielkraut, Glucksmann… et de la cohorte des politiciens (Bayrou, Hollande, Sarkozy… en course à l’époque pour L’Élysée)… témoins de moralité… tiens donc… accourus lors du mémorable procès apporter caution au pote Philippe Val,. On se souvient des mêmes personnages et de leur soutien à Houellebecq lorsqu’il fut confronté aux mêmes organisations, d’ailleurs dans le même cas de figure de l’insulte. Lequel Houellebecq est connu autant sinon plus pour sa haine envers l’Islam qualifié de « religion la plus con » que pour son œuvre romanesque.


Tel est bien le site de la réunion. Nul doute que Val jouit – par tous les pores et tous les trous – quand il écrit ceci à l’adresse de BHL :


Tu lui diras [à Michel Houellebecq] toute l’estime qu’à Charlie on éprouve à son égard. J’ai fait encadrer dans mon bureau sa célèbre fatwa : "La religion la plus con c’est quand même l’islam. Quand on lit le Coran on est effondré… effondré !"; "L’islam est une religion dangereuse, et ce depuis son apparition". Tous les matins, […] je récite ces trois phrases avec dévotion […].[6]


Avec dévotion ! Et, il est vrai, l’athéisme n’est pas sans être souvent la religion des stupidement aigris. C’est fou ce qu’on retrouve les mêmes personnages autour des mêmes pourfendeurs aux œuvres assurément délirantes… Les mêmes flambards s’empressent d’honorer la bêtise, la sacrant vérité incontestée et lui donnant une place dans le panthéon des valeurs dégénérées. Qu’il s’agisse de Salman Ruchdie ou de Taslima Nasreen – soit disant preuves vivantes de la « connerie » de l’Islam –, on retrouve les mêmes mollahs de la même laïcité : BHL, Finkielkraut, Glucksmann, Bruckner et consorts. Ceux-là, autoproclamés philosophes mais communautaristes, sont toujours là, en tête des défilés. A l’affût des causes ethnocentristes d’avance acquises !


Or cette histoire n’est pas finie qu’une autre commence pointant le paradoxe de ces donneurs de leçons rencontrés sur tous les fronts de la liberté d’expression, de la tolérance… et cependant du droit à l’ingérence.


Tout à coup : retour de flamme ! Charlie Hebdo implose, miné dans ses fondements, ses certitudes et sa crédibilité. Val cesse de rire ! A peine un rictus figé sur sa face ferrugineuse. Il n’y a pas plus désavouant pour un journal profanateur des valeurs d’autrui que le sort qui le déchire en deux. Siné, le plus vieux des dessinateurs, crée son propre journal. A 79 ans, il commet le geste (impudent !) de jouer avec le feu – geste prométhéen guère apprécié par la morale d’un Val compromis par fidélité à Sarkozy qui, rappelons, a volé à son secours. Vendre la mèche… aux laissés pour compte… que nenni… Val ne permet. Pauvre Siné ! Mal lui en prit. Ça l’a sorti de l’anonymat ? Il n’empêche qu’il doit se mordre les doigts d’avoir frôlé le délit d’antisémitisme. Et d’avoir ainsi affirmé :


Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le parquet […] a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n’est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée, juive, héritière des fondateurs de DARTY. Il fera du chemin dans la vie, ce petit [7]!


Darty rime avec petit… et de façon grandement antithétique.


Tout est là. La goutte qui fait déborder le vase c’est l’identité juive de la fiancée. Or trop de clarté aveugle. Val pète les plombs. Et Siné du coup est grillé. La justice valienne est à l’image de la justice française : à deux vitesses. Tombent alors le verdict comme un couperet. Siné « l’antisémite » doit quitter l’Olympe – déchu. Zeus en a décidé ainsi, qui conclut à un blasphème. Fin du premier acte. On ne badine pas avec l’Inquisiteur en chef. Mais le compte à rebours a commencé.


Et finalement : on ne peut rire de tout !


Du coup, la formule caricaturale prêtée au prophète Mahomet « c’est dur d’être aimé par des cons » devient dans la bouche de Siné « c’est dur d’être dirigé par un con ».


C’est là un démenti cinglant adressé par le hasard à la logique calomnieuse de la presse hypocrite.


Mohamed-Salah Zeliche


(A suivre…)



[1] Reviens Voltaire, ils sont devenus fous, Paris, Grasset, 2008.

[2] « On n’est pas couché », sur France 2.

[3] Cf. « L’ennemi public numéro 3 »,

http : //valestderetour.worldpress.com/2008/10/08/l-ennemi-public-numero-3/

[4] Ennemis publics, Paris Flammarion-Grasset, 2008.

[5] Cf. Son article paru dans son blog « Revient, Voltaire, y a du pudding pour le dessert »

[6] Cf. « L’ennemi public numéro 3 » qu’on peut lire sur son blog.

[7] Ce sont ces mots qui vaudront à Siné d’être mis en demeure de s’excuser ou de quitter Charlie Hebdo.

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POUR CITER CET ARTICLE :

Mohamed-Salah Zeliche, "Dans la spirale de la conspiration culturelle. Oripeaux et fourberie des prêtres laïcs (I)", http://www.lanouvellerepublique.com/actualite/lire.

php?ida=71036&idc=125&date_insert=20081123

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jeudi 13 mars 2008

Littérature et citoyenneté

Rédacteur Agoravox

Littérature et citoyenneté. Le boycott du Salon du Livre en question

La question « l’écrivain et l’éditeur doivent-ils boycotter la version 2008 du salon du livre de Paris ? » entraîne d’office d’autres questions. Telles que, par exemple : tant l’un que l’autre sont-ils tenus d’être les militants d’une cause ? En quoi cet évènement choque-t-il des intellectuels en général, des Maghrébins et des Libanais en particulier ? Boycotter, n’est-ce pas un geste en soi anti-culturel ? N’est-ce pas là le fait d’un inconscient plutôt antisémite ?


Ces questions, dans le contexte actuel, on ne peut ne pas les formuler. Elles suggèrent l’existence d’un certain nombre de non-dits, de compromissions, d’intérêts ou d’enjeux que la culture et ses institutions véhiculent et dédouanent. Les clarifier, ces non-dits, équivaut à situer les réflexes anticolonialistes - du reste ceux des Algériens - aujourd’hui acculés à battre en retraite, sommés de faire des concessions. Non pas que les réflexes anticolonialistes soient les seuls capables d’identifier les atermoiements qui accompagnent cet évènement mais parce que celui-ci offre à leurs yeux des contours puissamment évocateurs.

Les Algériens, on en convient, sont ceux des peuples qui ont été les plus marqués par les atrocités de la guerre, par l’injustice sous toutes ses formes... Aussi, leur conscience historique est-elle incontestablement des plus alertes. Certes cela pourrait prêter à des présuppositions fort susceptibles de colorer subjectivement leurs façons de voir et de juger actuelles. Certes cela risque même de les condamner à une vision archaïque et rigide des choses, eussent-ils été capables de distinguer entre le bon grain et l’ivraie. Ou même de les engoncer à jamais dans des formules alibi, cérémoniales, vidées de vie et insincères. Le pouvoir algérien et, d’ailleurs à peu de choses près, tous les partis politiques trouvent dans la lutte d’indépendance le site précieux indépassable de leurs revendications identitaires pour embringuer leur monde et camoufler leur terrible désordre.

D’aucuns pourtant, en Algérie, sont prêts à brader leur dignité d’hommes ou de femmes, à adopter les pires positionnements, ne serait-ce que pour rappeler à la caste dominant le pays que son temps est bien révolu et ses jours davantage comptés. Ne serait-ce encore que pour rentrer dans le moule apprêté pour eux par la démagogie et les faiseurs de mirages. Or l’histoire, d’une façon ou d’une autre, rapplique, opère des retours époustouflants, persiste et signe... et invite, par voie de conséquence, à plus d’élévation. En d’autres termes : lors même que les Algériens essuient revers, mutilations, frustrations, dénis... de la part des nouveaux maîtres, faut-il pour autant faire table rase de ce patrimoine - moral après tout ?

De là le soutien des Maghrébins apporté de façon indéfectible à la cause palestinienne ; lequel soutien n’est pas que de nature communautaire - comme essayent de le faire admettre BHL, Finkielkraut... et consorts, soit les inconditionnels défenseurs de l’Etat hébreux. S’il n’avait été que communautaire, alors sans doute les Maghrébins auraient eu tort et ressembleraient même à ces derniers. Or leur langage est d’autant plus crédible que légitime : s’inscrivant dans un cadre moral/humain/universel et découlant d’une conscience historique qui ne s’en laisse pas conter.

Dire, comme certains, que l’Algérie n’a rien fait en matière de tolérance et d’acceptation de l’Autre, lors même que cela serait vrai par certains aspects, revient dans maints cas à lui (l’Algérie) reprocher son intransigeance, sa soif de justice allant crescendo. C’est pécher par manque de relativisme culturel et trouver aberrant que l’on puisse dénoncer avec tant de conscience clairvoyante la souffrance des Palestiniens. Cette posture des peuples maghrébins tranche de fait avec l’ensemble du décor planétaire, dans la mesure où ceux-ci sont visiblement coincés entre la cruauté de l’Etat d’Israël, le silence complice de la communauté internationale et la lâcheté évidente des pays arabes. Après ce qui lui est arrivé de redoutable et désastreux en cette décennie 1990, l’Algérie finalement s’avère encore capable d’étonner outre-Méditerranée. Outre-Méditerranée où d’une part, on permet de tuer un peuple ; et où de l’autre, on honore son meurtrier, allant jusqu’à octroyer à celui-ci une tribune inespérée.

Voilà dans quel cadre se pose pour des écrivains algériens la question de la séparation de l’art et du politique, du citoyen et de l’écrivain... Il faut, décidément, bien moins que cela pour ne pas déclencher l’étonnement général.

D’invoquer la séparation de l’art et du politique apporte la preuve d’une conscience compromise. C’est en fait sacrifier à la politique et n’avoir que peu d’égard pour le premier. En effet, si l’art est par nature indépendant, il l’est autant vis-à-vis de la société que vis-à-vis du créateur lui-même. Autant dire illico qu’il est au-dessus des petitesses et ne saurait cautionner nulle dérive. S’en revendiquer à la manière de ceux et celles qui entendent aller à cette version du Salon du livre de Paris - au prétexte qu’il faudrait séparer - revient à se ranger à un credo institué, jadis ou naguère peu importe, pour décontenancer l’intellectuel engagé. Souvenons-nous, à ce titre, de Sartre, Mauriac, Breton, Aragon, Germaine Tillon... dont la parole défie tous les liens - à part celui de la fraternité humaine. Egalement la trilogie Algérie de Mohammed Dib (La Grande maison, L’Incendie et Le Métier à tisser) considérée par la critique non pas seulement comme une œuvre de combat mais essentiellement comme une œuvre humaniste transcendant l’identité étriquée et le nationalisme. Bref, dans ces quelques noms inséparables d’une cause juste, il faut savoir reconnaître tout aussi bien l’homme que le citoyen, l’écrivain ou l’intellectuel.

Choisir le camp de la neutralité est en soi un parti pris ; comme tel, dommageable. Le moindre que l’on puisse reprocher à cette attitude est qu’elle renonce à ses principes pour se laisser inféoder à une idéologie du silence et du mensonge. Car, sinon, pourquoi s’infliger ce clivage pour le moins en désaccord avec l’humanisme et la morale - si ce n’est en désaccord avec une harmonie de soi vers quoi tend toute œuvre littéraire digne de ce nom ? Et, en effet, en désaccord avec cette quête de soi sincère, loyale et altruiste distinguant entre celles des œuvres immortelles et celles des œuvres périssables.

Est-il nécessaire de préciser que ce qui est boycotté n’est pas le peuple juif, ni d’ailleurs les écrivains israéliens en tant que tels ? La manipulation à laquelle le monde assiste, à laquelle il s’habitue et s’abandonne par la force des choses, ne peut qu’inciter ceux dont la conscience n’a pas encore été lobotomisée à lui dire : « Assez ! » Du moins à dénoncer ses sinistres et perfides ressorts. Cette manipulation est celle-là même qui fait dérouler le tapis rouge devant des Etats génocidaires. Boycotter ne signifie guère une implication idéologique de la part des éditeurs et écrivains mais exprime bien au contraire un refus d’implication idéologique confortant la cruauté et lui donnant tous les droits. Nul besoin de le rappeler aux esprits. Nul besoin de poser cette question : « Si les éditeurs et écrivains ne le faisaient pas, qui d’autres le feraient ? » La question est morale, beaucoup plus individuelle et de conscience qu’elle n’est politique ou stratégique.

Y aurait-il une littérature qui ne soit, au moins par défaut, la configuration d’un monde idéal où triomphent la justice, la paix, l’harmonie... ? Toute littérature célèbre ce monde à part où la brutalité n’a guère de place et de droit. Dans la célébration du soixantième anniversaire de la création de l’Etat d’Israël et le caractère forcément pervers de cette invitation, il faut trouver un affront et une violence à l’encontre de la culture elle-même. Sous peine de banaliser l’horreur, il faut garder le réflexe naturel de s’étonner. S’étonner des écrivains qui s’accommodent de l’inhumain mais s’offusquer aussi d’une littérature qui tend à être un simple gadget pour endormir les esprits, les châtrer, les exciser...

Littérature sans conscience. Conscience sans littérature. Quelle posture ? Une telle question suggère l’existence d’un paradoxe qui n’est au fond rien d’autre qu’une façon de fausser compagnie aux valeurs morales les plus fondamentales. Plutôt : fuite, abandon, démission, déloyauté... Littérature et conscience : voilà en fait d’éternelles inséparables. Tandem agissant pour le compte d’une idée de l’homme suprêmement élevée. Si écrire est d’emblée agir pour soi-même, écrire c’est encore doublement agir - sur soi-même et sur le monde. Pour cela, je crois, rien ne vaut mieux qu’une bonne dose de bonne conscience.

Finalement, aller à ce Salon engage et le citoyen et l’écrivain. Pour une simple et bonne raison : l’un ne va jamais sans l’autre. A moins qu’on ne donne dans la schizophrénie, l’amnésie ou qu’on ne vive ailleurs que sur Terre. Dans ce cas...


Par
Mohamed-Salah Zeliche

Pour citer cet article :
Mohamed-Salah Zeliche, "Littérature et citoyenneté", http://sentiers-sentiers.blogspot.com/

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