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Ce blog contient mes articles. Mais aussi des commentaires sur mon ouvrage "L’Écriture de Rachid Boudjedra". Ici, je réagis à l'actualité, partage mes idées et mes lectures. Mohammed-Salah ZELICHE

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mercredi 24 novembre 2010

ZELICHE (Mohammed-Salah), L’écriture de Rachid Boudjedra. Poét(h)ique des deux rives Par Claire RIFFARD



ZELICHE (Mohammed-Salah),

L’écriture de Rachid Boudjedra. Poét(h)ique des deux rives

Par
Claire RIFFARD

L’ouvrage de Mohammed-Salah Zeliche se présente comme une analyse de l’écriture du romancier et essayiste algérien Rachid Boudjedra. En réalité, il s’agit davantage d’un parcours de réflexion et de confrontation avec une œuvre pétrie d’ambiguïté, qui se trouve ici convoquée pour mise à nu de ses mécanismes esthétiques et idéologiques. D’où le sous-titre de cette étude : Poét(h)ique des deux rives. M. Zeliche organise son questionnement autour de trois approches : psychanalytique, poétique/linguistique et politico-idéologique.

Dans la première partie, il choisit de remonter aux racines de l’écriture, en interrogeant les prises de positions de l’écrivain face à la société algérienne, prises de position fortement marquées par les clivages contemporains, Boudjedra se positionnant délibérément dans une logique binaire, du côté de la modernité face à la tradition vécue comme aliénante, ou bien du côté de l’écrit individuel face à une oralité anonyme. M. Zeliche montre la démarche de rupture identitaire de Boudjedra, qui fonde son identité publique sur l’obsession de la lutte contre l’oppression, et sa démarche d’écrivain sur une quête de justice. D’où une écriture de la violence, une esthétique de l’excès et de la contradiction suggérée dans l’étude par quelques exemples, mais essentiellement développée dans la deuxième partie, consacrée aux influences qui traversent les œuvres, et aux moyens artistiques mis en œuvre dans l’écriture.

Ce deuxième pan de l’étude recourt à l’intertexte célinien présent dans l’œuvre de Boudjedra, ainsi qu’aux échos des romans de Claude Simon et de Gabriel Garcia-Marquez, pour montrer comment Boudjedra s’approprie des formes à des fins idéologiques. L’analyse de la composante célinienne dans certains des romans de Boudjedra, notamment Le Démantèlement, est tout à fait symptomatique d’une écriture de la discordance, de la haine, où ‘’ discours et parole ne s’articulent pas‘’ et tordent la syntaxe, car ‘’ils visent à la discontinuité sur le fond comme sur la forme‘’ (p. 119). Quant à Claude Simon, il inspire le roman de Boudjedra, La Prise de Gibraltar, à travers les symboles utilisés (celui de l’arbre au premier chef, des couleurs et de la putrescence), mais aussi une écriture conçue comme continuum de la pensée, où description et action deviennent indissociables. On retrouve enfin chez Garcia-Marquez, dans le roman Les 1001 années de la nostalgie, pour son traitement des thèmes de la solitude, de la nostalgie et de la panne du temps.

Mais face à ces figures de référence, quelle identité de l’écriture ? Comment revenir à soi ? Le retour de Boudjedra par les mystiques arabes est une tentative pour libérer l’écriture de ses obsessions, en rétablissant un lien entre sources orientales et sources occidentales. Cependant, si la mystique soufie s’affranchit des dogmes, la subversion des signes opérée par Boudjedra reste de type idéologique. La dernière partie de l’ouvrage, plus proche de l’essai que du décryptage systématique, réfléchit sur le rapport de Boudjedra à sa société, à son histoire et à la langue d’écriture. M. Zeliche propose de lire le travail de Boudjedra comme une quête bipolaire condamnée à l’aporie, car ignorante du mouvement dialectique qui introduit un troisième terme.

Ce parcours de M. Zeliche dans l’œuvre de Boudjedra est riche d’une connaissance profonde de l’œuvre, mais aussi de l’univers mental dans lequel elle se construit, s’exprime et se fige. M. Zeliche sait avec une très grande justesse relever les contradictions d’une écriture excessive qui, voulant porter la subversion au cœur de sa société, se trouve parfois piégée dans de nouveaux systèmes d’allégeance.

Claire RIFFARD

Pour citer cet article :

Article publié par la revue Études Littéraires Africaines (Littérature berbère, dossier préparé par A. Bounfour et Salem Chaker, professeurs à l’Inalco, Centre de recherche berbère), n° 2006/21, pp. 85/86/87

Lire sur le même sujet :

Rachid Boudjedra, un auteur scandaleux ?, par Kasereka Kavwahirehi
Le commentaire de Max Vega-Ritter
Le commentaire de Eleonora Hotineanu, paru dans la revue Europe, avril 2006


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vendredi 28 novembre 2008

Dans la spirale de la conspiration culturelle


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DÉBAT

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La Nouvelle République - 3274 - Mardi 25 novembre 2008

Dans la spirale de la conspiration culturelle

Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (III)




III/ Le sarcasme : fondements et prolongements


Prétextes sont tous ces appels à Voltaire et à ses pairs. Derrière, on doit voir se profiler quelque chose de pervers, dissimulant piètrement la perfidie et la mauvaise foi.


En effet, qu'y a-t-il de ressemblant dans l'affaire de Charlie Hebdo et celle du chevalier de La Barre – celui-ci écartelé, cinglé, torturé à mort pour s'être abstenu d'ôter son chapeau au passage d’une procession religieuse ? Incomparables ! C’est pourtant cette affaire que l'on prend toujours comme exemple de « délit de blasphème ». Au point où aujourd’hui Philippe Val atrocement blessé dans son orgueil titre son livre : Reviens, Voltaire ! Non pas seulement pour justifier son islamophobie mais encore pour dire son indignation à l’égard de son collègue Siné et ceux qui hier l’épaulaient devant les juges.


Or le terme de blasphème n'a de sens, avons-nous dit, que dans le cadre de la religion du blasphémateur. En dehors, l'on est plutôt dans la provocation. En conséquence, il y a distorsion du sens au moins par décontextualisation. Il y a confusion volontaire. Surtout refuge et subterfuge. Valeurs républicaines ? Un écran fumigène comme tous ceux des concepts éculés invoqués à tout bout de champ. Mais Charlie Hebdo y trouve son compte, y trouve matière à se victimiser en qualifiant son procès d'obscurantiste et de chasse aux sorcières. En réalité, il est loin d'honorer le principe de liberté d'expression, de pensée ou de création ; comme, d’ailleurs, d’assumer courageusement son rôle de provocateur.


Aujourd'hui, le « délit de blasphème » n'est pas l'apanage des seules religions mais, sans généraliser, il est aussi celui des laïcs. Car qui peut nettement affirmer si l’allégation de délit de blasphème n'est pas ici l'alliée vénérée d'un racisme culturel, d'une conviction laïque qui ne transcende son Moyen-âge obscurantiste que pour y retourner ? Les caricatures islamophobes sont la caractéristique d’une lutte constante avec l’Autre – précisément, avec la différence dans ce qu’elle a de culturel, religieux et psychologique. Dans ce cas de figure, on le constate, le moindre est de voir venir à la charge avec des préconçus dépourvus de générosité et souvent générés par la peur d’être désavoué. De là le langage et les jugements d’emblée dévalorisants sur l’Autre qui orientent vers des lendemains sinon apocalyptiques du moins hostiles.


De là la roue infernale du mépris !… tournant à l’infini.


Trouvons ici l’émanation du rejet primesautier des colonisés d’autrefois. Rejet pouvant, par une nature substitutive et/ou extensive, selon les circonstances et les enjeux de l’heure, affecter l’habitant des banlieues comme l’étranger sans papiers ou toute entité aux accents fort évocateurs de condition inférieure. En cela, les fameux dessins danois constituent une attaque à l’endroit de l’Islam commençant à faire partie du paysage européen, des symboles dans ce qu’ils ont d’étrange et d’Étranger. Ils sont le lieu d’un défoulement de haine au moins inconscient et d’un rituel conjuratoire de la peur.


Imaginez des poupées vaudoues qu’on transperce de mille et une aiguilles pour ruiner l’Autre et ses moyens ! Imaginez encore la poupée vaudoue de Sarkozy piquée aux testicules, aux oreilles, au nez, aux fesses… même symboliquement il ne l’a pas supporté… la France entière l’a entendu ‘’hurler’’, lui, le témoin moral de Philippe Val. Conflits des symboles mais aussi des mythes et des territoires. Ces gestes dans le cadre d’une cabale exercent une pression sur les consciences et les imaginaires. Mais pas seulement : ils s’emploient contre les lois pour les faire ployer au profit d’un culte plutôt qu’au profit d’un autre. Au profit d’un nationalisme plutôt que d’un autre…


Parquer l’Autre et le taguer est en définitive un trait de la caricature qui ne sait pas ne pas essentialiser, globaliser, grossir, exagérer, déformer dans un langage de mégère impuissante à laquelle il reste la force diffamante de la méchanceté. Or « Lorsqu’on leur dit : ‘’Ne faites pas de mal sur la Terre !’’, ils répliquent : ‘’Nous ne sommes que des réformateurs.’’ [1]»


À quoi joue-t-on donc ? N'y a-t-il pas là en fait des raisons occultes hautement stratégiques qui outrepassent le cadre de la stricte réalité française ? C’est le lieu d’en parler. Les médias de la trempe de Charlie Hebdo servent à quelque chose. À faire monter la mayonnaise ! À coup de fouet, de matraquage, de répétitions… ils persuadent les esprits, les gavent dans leurs râteliers, pour ensuite les envoyer aux abattoirs. Ils sont l’offense que rien ne sépare des offensives, hardis aux côtés des escadrons qui sèment la peur et sèment la mort. Avant-gardes comme arrière-gardes, ils arment allégrement les canons de préjugés, de ressentiments, de mots mensongers, de haines irascibles, séculairement ancestrales… pour des tirs groupés et ciblés.


Il suffit aujourd’hui de mettre sur le grill un sujet… appelons ça terrorisme, islamisme, intégrisme, fanatisme, intolérance, droits des femmes, États voyous, dictature, privations des libertés… pour que le mélange du vrai et du faux opère. Saveur exquise ! Ça aiguise les appétits de guerre, chatouille les narines des croisés attardés. Des Talibans à la guerre d’Irak en passant par le 11 septembre, les médias n’ont guère cessé de postillonner… tant et si bien que la folie a recouvré ses pleins droits. Des Talibans en traçant tout droit vers la Syrie et l’Iran de Mahmoud Ahmedinejad… et en passant par l’agression du Liban ! Cela, pendant que l’étau infernal se resserre sur Gaza. Et alors que ses populations croupissent dans le malheur, creusent des tunnels pour échapper à leur sort, les médias parlent du Hamas, des poils de sa barbe, de sa keffieh. Voire des enfants kamikazes qui troublent le bleu du ciel et le paradis israélien.


Il faut appeler les choses par leurs noms. Reconnaître que ce breuvage dont on soule le monde est concocté pour obnubiler les regards. Présenter l’État d’Israël comme un modèle de démocratie, un pourvoyeur de liberté, encerclé par un monde arabe intolérant, arriéré, belliqueux, revanchard, fermé sur lui-même… que sais-je encore ?... voilà qui s’appelle élever l’imposture au-dessus de tout. Élever des remparts autour de la dernière citadelle du colonialisme. Et l’imposture est justement de sacraliser les agressions d’un État qui – depuis sa création, pour ne pas dire son implantation – déstabilisent le Proche-Orient et le monde entier.


Certes tout le mal ne vient pas que d’Israël et de l’Occident. Et les Arabes et les Musulmans ne sont guère excusables quand il s’agit de leurs entorses évidentes aux libertés, à la démocratie et à la laïcité. Quand il s’agit de sortir des carcans du passé, du monnayage de celui-ci et qu’il faut actualiser les réflexes… Quand il faut désigner franchement l’horreur de certaines pratiques antédiluviennes – au lieu de les légitimer au nom de l’Islam. Mais là est une autre question à la résolution de laquelle seuls les intéressés sont conviés qui, eux, s’engagent avec sincérité quand ils le peuvent.


Sincèrement, l’aberrance des aberrances reste le fait de demeurer aveugle face aux déviationnismes des vieilles démocraties. C’est de persister à ne pas comprendre qu’on ne peut préjuger de l’heure à laquelle la course prend fin. A ce sujet, et quant aux résultats, rendez-vous est pris dans dix ans, un siècle ou un millénaire… Pour l’instant, rendons-nous compte : au nom de la démocratie… mine de rien…on rase des villes, déstabilise des pays, provoque des génocides.


Entre le discours de certains et le massacre d'innocents, il n'y a souvent qu'un pas à faire. La transgression de cette ligne s’avère d'autant plus régressive qu’elle ouvre la voie à l’arbitraire et à l’injustifiable. L’affaire des caricatures ne consiste pas dans un simple dérapage verbal. Elle ne représente en rien un aspect de la communication – étant par essence liberticide, distorsion du sens, vanité des individus et des groupes, affront au goût et à l’art eux-mêmes.


Bref, la stigmatisation des inepties de l’Autre illustre bien une façon de se pardonner à travers lui. Elle demeure inséparable des machinations qui engendrent les boucs émissaires et les guerres. Le signe avant-coureur en est l’hystérie qui accompagne le saccage de certains symboles et la mise à l’index des minorités – ce à quoi se sont adonnés les caricatures danoises et Charlie Hebdo.


Mohamed-Salah ZELICHE


(Suite et fin)


[1] Coran, sourate de La vache, verset 12.


POUR CITER CET ARTICLE :

Mohamed-Salah Zeliche, "Dans la spirale de la conspiration culturelle.
Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (III)",
http://sentiers-sentiers.blogspot.com

Ou

http://www.lanouvellerepublique.com/

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mardi 25 novembre 2008

Dans la spirale de la conspiration culturelle.


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DEBAT

La Nouvelle République – 3273 – Lundi 24 novembre 2008

Dans la spirale de la conspiration culturelle

Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (II)

Ce qui jadis est commis au nom de la religion peut l'être de nos jours au nom de la raison, de la laïcité, du reste au nom de la doxa. Et, de fait, celle-ci revêt aujourd’hui les oripeaux de l'ordre ancien et de la terreur divinisée.


II/ Si le ridicule tuait…


C'était la religion qui, hier, expliquait le monde. Ce sont la psychanalyse, la philosophie, l'anthropologie, l'ethnologie, la sociologie… qui, aujourd'hui, prétendent nous en éclairer. Mais si l'on a tendance à dire que la philosophie est la mère de toutes les sciences, il faut reconnaître que la religion en est le sein – certes contesté. Platon, le pourfendeur des mythes en montre tout de même dans son œuvre de sectaires et déplorables survivances.


On peut dire autant de Philippe Val, même si comparaison n’est pas toujours raison, lorsque face aux organisations musulmanes il invoque le retour du délit de blasphème. Cela, alors qu’il a lui-même son veau d’or, ses idoles qu’il adule et adore au point de vouer aux gémonies quiconque les touche. Philippe Val, digne promoteur des caricatures danoises, de la pensée libérale et des valeurs humaines, s’avère n’être qu’un sectaire… sarkozien dans les tripes !


Voyons comment appréhender le mot blasphème et osons cette approche. C’est à la fois une attitude de révolte et un aveu d'impuissance. Au refus des choses de changer leurs cours, le blasphémateur oppose ses griefs, son exaspération et sa haine. Ce qui ne veut pas dire, bien évidemment, que toutes les révoltes sont malsaines ou déloyales. Ce qui ne signifie pas non plus que le blasphème n'est guère parfois un signe de clairvoyance. S’il est en soi la critique par excellence, il ne passe pas moins à côté de la réalité et du bon sens. C’est donc lorsque la religion ou tout discours uniformisant cessent de convaincre ou d’être cohérents et qu’on s’en offusque au point de scandaliser.


Le « délit de blasphème » est quant à lui situable dans ces trois exemples. Son supplice, Jésus Christ le doit à un blasphème qu'il aurait commis à l'égard de la religion de l'époque – à laquelle on aurait pensé qu'il appartenait d’office. Itou pour le chevalier de La Barre (1746-1766) considéré comme blasphémateur envers le christianisme, auquel, au regard de l'Église, il était sensé se dévouer corps et âme. Itou pour Voltaire qui avait pris sa défense et dut fuir pour échapper lui-même au châtiment. D’où, si on sait bien regarder : insulter une religion qui n'est pas la sienne n'est guère du point de vue de celle-ci le blasphème dans le sens d’apostasie mais une agression étrangère. Aujourd'hui, certes, on utilise le terme à tout-venant. On peut commettre un blasphème simplement parce qu’on n’a pas prêté attention à une œuvre communément admise. Et, tenez-vous bien, on peut en commettre envers la ‘’liberté de dénigrer et d’offenser’’… tout comme lorsqu’on a déploré l’abusive machination de Val et ses pairs.


Au regard de la laïcité ? Il pourrait s'agir d'agression, d'incitation à la haine et à la violence. Par exemple : quand on outrepasse le cadre individuel de la liberté de penser et de croire. Quand on empiète sur le terrain de l’Autre ou qu’on écrase ses salades. Quand cela prend l'ampleur d'une cabale de nature à corrompre les rapports interhumains, à compliquer l'existence à un groupe et à exciter sa colère pour ensuite la retourner contre lui. C’est lorsque la sensibilité d’autrui entend être respectée mais qu’on lui oppose une panoplie d’arguments vieux comme le monde et guère en vigueur. Genre : inquisition, délit de blasphème, refus de la critique et du progrès. Le tout présenté sous le label du très sacré et très sucré rationalisme… et avec un refus notoire de comprendre qu'il ne suffisait pas de hisser la bannière de celui-ci pour en être aussitôt un adepte honorable.


La laïcité donne le droit de ne pas penser comme les autres. Sous aucun prétexte, elle ne donne celui de bousculer leur foi. Elle sert le progrès et la raison mais n’est ni le premier ni la seconde. Sa raison d’être est que l'absence de toute modération attise les tensions, qui poussent et la logique et le progrès à s'exiler. C’est ce qui permet aux religions d’exister et de coexister. Loin d’elle, en principe, toute idée de cantonner aucune d’elles, elle leur procure la possibilité de conjuguer leurs énergies autour d’un idéal commun : la construction du pays. Elle fait cohabiter toutes les différences, gérant leurs mouvements à l’image des feux tricolores aux intersections. Sachant que nul ne détient la vérité absolue ou que nul n'est en droit d'imposer sa logique aux autres, elle propose d’être la synthèse et le bon sens parce que résultant de l'égard qu'on accorde aux choses, aux hommes et au monde. Elle est la pondération qui invite à trouver un terrain d'entente et appelle à s’inspirer les uns les autres. Voire le langage qui ne peut s'accommoder de l’arrogance ni du mépris envers l'Autre. De là

dans la conjoncture délicate des luttes politiques, des règles de la démocratie, du respect de l'intégrité de la personne – fût-ce au détriment de nos bouillantes convictions –, il faudrait nous garder d'aller au-delà de ce que peut supporter le débat [1].

Mais Val n’est pas à un affront près envers les Arabes, ses ennemis traditionnels. Pour ne pas dire contradiction.


Sa prise de parole à l’annonce de sa relaxe a sans doute subjugué le public très nombreux. Il invite les organisations musulmanes « à continuer ce débat pour dénoncer le choc des civilisations et l’inimitié programmée ». Mais cette bonne volonté n’était qu’épisodique. A peine retrouve-t-il ses pantoufles et la douceur des origines qu’il reprend du poil de la bête. Et, obsédé qu’il est, il se remet à sa branlette : les Arabes pendant la seconde guerre mondiale aurait couché comme un seul homme avec Hitler – et sans préservatif. En réalité, son string porte la griffe du Mossad… et ce n’est pas grave, paraît-il. Arrimé à l’idée d’une compromission des Arabes avec Hitler, il oublie que celui-ci pouvait être l’aubaine qui, à l’époque, les délivrerait de l’enfer colonial. De la conjuration d’Israël et des Alliés. D’aucuns diront, à la façon dont on le voit couché à la renverse : à chacun ses gigolos.


La critique désobligeante a beau montrer qu’elle est scandalisée, elle échoue d’entrée de jeu à parler aux esprits. Ses perspectives ne consistant pas dans le dialogue mais dans le déni de l’Autre et dans l’idée préconçue que celui-ci est culturellement et psychologiquement sous développé. Elle a beau fustiger le terrorisme, le racisme, l’intégrisme, le nazisme, le fascisme, le stalinisme… elle n’en reste pas moins elle-même la voix exaltée. Elle est la parole sans partage ! A moins bien sûr qu'on n’ait grand besoin de choquer, scandaliser, attirer l'attention sur soi, susciter des solidarités et des sympathies malsaines, on ne mange pas de ce pain qui ne mérite aucun éloge.


Or ça rapporte…il faut le dire… la haine de l’Autre. Qui peut en effet savoir mieux qu’un directeur de journal que la façon partisane de traiter certains sujets est à même d’entraîner des ravages ? La publication des caricatures, dites du prophète Mahomet, est révélatrice de l’existence de non-dits, d’enjeux et en somme d’intention de nuire. Elle a, au demeurant, sorti Charlie Hebdo de l’anonymat, décuplé ses ventes malgré sa médiocrité, permis à son directeur de monter ses grands chevaux pour attaquer une communauté dont il n’a aucune connaissance véritable.


A retenir qu’entre Voltaire et Val il n’y a de commun que la lettre qui commence leurs noms. Le Traité sur la tolérance, et l’esprit qui les caractérise n’ont nul besoin d’être exhumés, rappelés ou réhabilités : sachant le relativisme des jugements auxquels Voltaire recourt autant pour marquer les espaces spécifiques que pour en désigner les interdépendances. Les appels lancés à travers cette approche n’ont de sens ici que par le renom de Voltaire, par ce qu’ils apportent de détours au polémiste. C’est là l’entreprise d’une vue réductrice qui trouve son salut dans le décentrement de la question.


Du coup, on le constate, la tolérance devient simple prétexte.


Mais voici une autre voix au « génie » consistant dans le scandale qu’elle appelle. Elle se dit avant-gardiste, mais mêle la boue, la bouse, le fiel, la fiente et le sang des innocents :

Chaque fois que j’apprenais qu’un terroriste palestinien ou un enfant palestinien ou une femme enceinte palestinienne, avait été abattu par balles dans la bande de Gaza, j’éprouvais un tressaillement d’enthousiasme… (Houellebecq) [2].


Traîné devant les juges, Houellebecq pourra toujours user du prétexte que l’auteur n’est pas le narrateur – sans pourtant jamais désavouer celui-ci. Insulter un peuple qui souffre de la domination d’un autre et en faire porter le chapeau à un personnage pseudo fictionnel : c’est, en fait, non pas seulement accabler le Palestinien mais faire fi de l’humain et reléguer la culture dans les cloaques de l’insalubre.


Trouvons dans cette « perle » un lien biologique, significatif d’un racisme primaire. Quand bien même Philippe Val tiendrait un « certain » sionisme pour de l’antisémitisme et du racisme, il l’ajouterait avec bonheur à son trophée. C’est un délire d’anéantissement de l’autre s’appuyant sur l’esprit des Lumières pour entraîner sa ruine. Son caractère est morbidement jouissif, dès lors qu’on considère le déluge d’applaudissements qui accompagna tant la relaxe de Val que celle de Houellebecq.


Face à une telle parole, Voltaire perdrait volontiers son sang froid au point peut-être de couper la langue à son auteur. Il est vrai qu’il n'y a là rien qui soit de l'ordre du blasphème. Mais encore moins qui s'apparente à la critique digne de ce nom. Et si ces propos (comme les caricatures islamophobes) ne déstabilisent guère l’Islam, il reste qu'on doit montrer leurs ressorts pitoyables. Voire relever les incohérences et les échappatoires de la justice française : elle relaxe Val au prétexte que ses caricatures ne visent qu’une fraction de musulmans et elle fait autant pour Houellebecq, ne jugeant ses propos attentatoires qu’à l’Islam, non aux Musulmans.


Si le ridicule tuait… beaucoup ne seraient pas aujourd’hui de ce monde… qui se porterait peut-être bien.


Mohamed-Salah ZELICHE




(A suivre…)



[1] Cf. notre article, « Fiction et réalité : dépassement et diffamation »,

sur sentiers-sentiers.blogspot.com/

[2] Michel Houellebecq, Plateforme, Paris, Flammarion, 2001.

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POUR CITER CET ARTICLE :

Mohamed-Salah zeliche,

« Dans la spirale de la conspiration culturelle. Oripeaux et fourberies des prêtres laïcs (II)»,

http://www.lanouvellerepublique.com/pdflnr/2008/11/25/lnr.pdf

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jeudi 29 mai 2008

Sansal : le retour...

A mes correspondants et amis :
Mes deux messageries
zeliche@yahoo.fr et zeliche@hotmail.com
sont tombées entre les mains d'un hacker.
Faites bien attention si on vous contacte par leurs biais.
Utilisez cette adresse pour me joindre : mos.zeli2007@gmail.com
Cordialement.
Mohamed-Salah



Cet article a trait à l'actualité et à l'usage qui en est fait. L'orientation de l'opinion est une pratique courante dans le monde des médias. Et l'Algérie ne déroge pas à cette règle. Bien au contraire... Le lecteur trouvera ci-après quelque chose comme un arrêt sur l'image. Un court instant saisi dans lequel la société algérienne - par certains de ses aspects - exprime son désir d'émancipation.


Cet article, je l'ai voulu exprès à la fois austère et débonnaire. Caustique et conciliant...


Sansal : le retour...


Rédigé par :
Mohammed-Salah Zeliche
Paru dans
le quotidien algérien d'information
LA NOUVELLE République.
Le 03 juin 2008


Le sujet « Sansal » ne cessera pas de revenir sur le tapis, tant il a de rapports avec l’Algérie et ses démons. Avec ‘’nous-mêmes’’ et avec les ‘’autres’’. Avec nos vérités et avec nos mensonges. Avec nos délires et nos unanimismes. Mais aussi avec nos petitesses évidentes. Avec notre prétention à la pureté et sans doute avec nos complaisances. Avec nos copinages et nos intransigeances. Avec notre atavique tribalisme et notre volonté de nous en détacher…avec tout ce que cela comporte d’enjeux.


Mais il y a quelque chose qui ne rentre dans aucune de ces considérations : la critique. Encore faut-il se demander : quelle critique et selon quelle école ? Je veux dire la critique argumentée qui essaie de comprendre et de faire comprendre. Peu importe qu’elle soit indignée ou gagnée à l’opinion du journaliste, du romancier ou de quiconque d’autres. L’essentiel est qu’elle sorte de la phraséologie filandreuse et qu’elle serve un souci de vérité. Or cette vérité, on peut la décanter d’une manière ou d’une autre – de façon textuelle, historique, politique, psychanalytique, sociologique…


Hélas, même des intellectuels – se disant ouverts, tolérants, universalistes, humanistes, plus éveillés que le reste du monde… – considèrent la critique comme un sacrilège, un lynchage, une pratique assassine. Laissez-moi débiter tranquillement mes âneries. Sinon je dirais que vous êtes mauvaise langue. Ou jaloux…si je me réfère à un article consacré à Sansal, paru dans Algérie News. Attention : quand on s’indigne de la sorte c’est pour appeler la foudre et l’apocalypse toutes réunies. Ainsi Sansal est-il pour beaucoup lynché par les siens ! Ou par les chiens ! Kif-kif. Allons donc ! Qui dit mieux ? Il n’en est rien : les positions et les idées récusées par certains de ses disciples n’appartiennent pas à l’opinion avouée. Elles constituent l’essentiel de leurs non-dits. C’est à la rigueur tendre la perche à un ami qui se noie. Khouk khouk lâ ighayyarak sâhbak. Sinon : Annsaar Akhâka dhzâliman aw madhzloumann. Ces logiques vivent encore en ‘’nous’’. Elles ne supportent guère la critique. Mais elles trouvent des voies de recours dans le verbiage. Par exemple : «Boualem Sansal a le courage de dire ouvertement ce que beaucoup pensent depuis longtemps sans le dire».


Le cas « Sansal » est clair comme l’eau de roche. Cet auteur s’est tout simplement laissé prendre dans l’engrenage d’un système que les Algériens connaissent pour avoir eu à pâtir de ses perfidies. Et ce système n’a pas pu ne pas réveiller les démons de l’Algérie dont le cours de l’histoire est jonché d’atrocités, de massacres, de tortures, de misères, de maladies, de spoliations, d’enfumades… Que n’a-t-elle pas en ressources thématiques cette terre authentique, l’Algérie, qu’elle ne puisse inspirer à la plume d’un Sansal ? Que n’a-t-elle pas qu’elle n’ait été capable de prodiguer à des grands comme Dib, Kateb Yacine, Boudjedra, Assia Djebar, Djaout ou Ouattar… ?


Bref, Sansal a suivi la voie qui lui semblait – matériellement, oui, disons-le – la plus intéressante. Aux dépens d’un bon sens commun/communautaire. C’est tout son droit. Mais aux dépens de cette ‘’pureté’’ qui fait qu’un écrivain se distingue généralement de la masse du peuple ou de ses lecteurs. Eh, oui… Dans l’imaginaire de beaucoup l’écrivain est celui qui est franchement inspiré. Comme qui dirait un prophète (Astaghfirou-llah !). Désolé, les choses sont ainsi faites. On ne change pas le monde en un jour. Alors que Dieu a mis six bonnes journées pour le créer. Qu’il est grand, en fait, le désordre apporté à la bonne conscience par un sujet fait de bric et de broc. Qui chantait la Shoah. Et chantait faux. Et, de ce fait, paraît-il, ces lecteurs algériens n’ont pas été à la hauteur de son talent. Voire de son génie. Sansal n’a pas les lecteurs qu’il méritait, disent sans cesse ses amis du NouvelObs. De fait, il n’a pas été suivi sur cette pente scabreuse. Hormis ceux dont les « constantes » (arabité, islamité…) exacerbent outre mesure et que Poste restante : Alger a fustigées pour le bonheur d’une ‘’haute idée’’ de l’Algérie française. Que Sansal, en fin de compte, n’ait pas trouvé de bons lecteurs chez les Algériens ne signifie rien d’autre qu’une allégation puant le racisme et le mépris de l’autre.


Vous êtes antisémites, dit Sansal aux Algériens. La guerre d’indépendance n’a pas seulement donné l’occasion à des « tyranneaux » de prendre le pouvoir. Elle est selon lui tout bonnement illégitime. Sansal n’a rien dit de tel ? Que fait donc un nazi dans les rangs de l’ALN ? Et ses interviews venues après-coup l’expliciter, comme s’il n’avait pas pu tout dire dans son roman. Ou qu’il craignait de n’être pas assez compris par ses amis outre méditerranée. Il est intéressant, toujours est-il, de savoir que ce refrain coïncide de façon formidable avec la campagne récente de dénigrement consistant à faire croire que les Algériens sont racistes vis-à-vis des Juifs (« Ihoudi hachak »). Et, tenez-vous bien, non l’inverse. Le film de Jean-Pierre Lledo Algérie : histoires à ne pas dire s’inscrit dans cette mouvance et cette spirale de conspiration culturelle. Les Algériens sont de toutes les intolérances ! Ne vous gênez pas, empilez : ils ont le dos large.


Il suffit de creuser un minimum pour constater que derrière tout cela il y a l’amertume personnelle des gens. Il y a des prétextes comme des lieux que l’on pourrait nommer défouloirs ou dégueuloirs… Il y a des règlements de compte… qui entrent en ligne de compte. Il y a les intérêts et les luttes de clans…Cela, à un moment où le pouvoir algérien donne tout l’air de s’enliser – pour longtemps – ou pour toujours – dans des incohérences. D’une part, la loi amnistiante incapable de juguler la violence terroriste. De l’autre, les émeutes, la mal vie, l’émancipation contrecarrée…tout cela qui justifie la devise : tous les coups sont permis. C’est dire si tout le monde ne doit pas mettre en avant sa vérité et revendiquer sa part de génie et de bonheur.


La danse alors s’emballe. Frénésie. Désordre. Et obscurcissement de la vision. Moment opportun. Prestidigitateurs et adversaires d’antan entrent alors en scène ou en danse. Mettent du leur. Chauffent les tambours. Distribuent les trompettes. C’est à qui claironne plus fort ! Sansal est de la partie. Il est celui qui peut peut-être le mieux convaincre que l’islamisme et le FLN sont les deux faces d’une même pièce. Un poncif tenue en vie par un certain Occident. Kif kif... l'amalgame. L’absence de discernement et l’emporte-pièce sont élevées jusqu’au modèle. Et jusqu’à l’indiscutable. Vive le roi.


Après le prosélytisme islamiste qui mit le feu à tous les foyers, voici le prosélytisme protestant. Bonjour notre intolérance. Et bonjour notre mise à l’index (moralement, il va sans dire) par le monde bien-pensant. Le cas « Habiba » : une preuve que nous sommes infréquentables. Cependant que l’Algérie compte 60.000 chrétiens pratiquants – accomplissant leur foi sans être inquiétés. Des centaines et des centaines d’articles sont consacrés à cette femme transformée par les préjugés occidentaux en martyre de la foi.


Cela, alors que la justice n’a pas tranché. Et alors que le juge n’a pas encore ouvert la bouche. On ‘’nous’’ juge…avec préméditation.


Surfer sur la toile m’a permis de voir que cette affaire est au fond bien crasseuse. Elle est en rapport évident avec les passions de l’homme et les sentiments primaires. Avec les ruptures identitaires entretenues et aggravées depuis des siècles. Quand des médias mettent en avant des détails de l’enquête d’autres les méprise et les occulte – carrément. Dans le meilleur des cas, la dizaine de bibles trouvée chez Habiba n’est pas mentionnée. Des déclarations indignes mais pratiquement invérifiables sont prêtées à ses procureurs. La manipulation est à l’œuvre. On donne libre cours à l’extrapolation. L’inconscient collectif se déchaîne sans délai et au plus vite. Armada ! Charles Quint lance sa flotte – malchanceuse. Mohamed Benchicou du Matin Dz, lui, lance une escouade d’articles.


Bouteflika derrière l’inquisition et la lutte contre l’évangélisation. Cet article est accompagné de l’effigie du président de la république et de son premier ministre. Il l’est aussi pour ceux de Malek Chebel et de Boualem Sansal. Voir par conséquent dans cette esthétique une généralisation. Et autant une radicalisation de l’opinion que son orientation. Les présidentielles se profilent à l’horizon politique. L’idée d’un troisième mandat offert par ses pairs à Bouteflika par l'entremise d'un « viol de la constitution » fait craindre le pire. Mobilise des énergies et des stratégies pour lui barrer la route. Le journalisme algérien (pour indépendant qu’il prétende être) y est ainsi impliqué. Financé sans conteste par des sphères privées. Du moins par des sphères occultes et influentes du pouvoir lui-même. Le Matin Dz : un électron libre. N’en croyez rien. Considérez bien la place allouée au terme « inquisition » et son appartenance stricte au paysage occidental. Car le message veut plaire. Et il a un destinataire. Quant à « évangélisation », il est mis pour neutraliser celui de « prosélytisme » – loin d’être aussi incriminant. Comprendre : le procès de Habiba n’a pas lieu d’être. Donc : ni raïs ni Etat. Ni juges ni policiers.


Malek Chebel : ‘’L’Islam n’est pas responsable de l’usage qui en est fait. On n’imagine jamais assez les efforts investis par ‘’notre’’ Chebel pour ‘’nous’’ prêter une meilleure image en Occident – pour nous rendre fréquentables. Il lime, rogne, équarrit, emboutit, rectifie, polit, perfore certains mythes, arrange leurs contours…Il en fait trop, notre mécanicien. Mais il en profite…aussi. Là, Benchicou sous-entend que si l’Islam est tolérant c’est en son nom qu’on tyrannise cette pauvre chrétienne de Habiba. Les musulmans sont des tyrans ! Ils sont tous islamistes. Bouteflika et Belkhadem – en tout cas . Voilà une façon de dire implicite et indirecte. Le sens est déplacé par glissement imperceptible. Et par superpositions insinuées. Au total, il suffit de mettre à la une, opportunément, cet article. Lequel d’ailleurs n’est pas actuel et qui, a fortiori, a déjà paru sur le site du Matin Dz.


Algérie – Affaire Habiba : La France qualifie le procès de ‘’choquant’’. La France ici signifie : Droits de l’homme à la Rama Yade. Et l’article lui est consacré. Encore une fois l’Occident se présente en donneur de leçons. Benchicou lui ouvre une tribune. Etrange : un gouvernement de droite française qui bafoue tous les droits de l’homme trouve à s’apitoyer sur le sort d’une Algérienne. La sympathique Rama Yade sait-elle au moins qu’elle fait partie du lot des ministres à juste titre qualifiés d’alibis. Cache-sexe du mépris et du saccage. Or Benchicou nous invite à venir paître dans son râtelier qu’il nous présente comme étant celui de la tolérance. Chez lui, le cap du énième millier de visiteurs est dépassé. Autant y aller. Consommer politique… Les idées et les valeurs… ça s’importe ! Et ça tue… quand ça pue et que c’est avarié.


Algérie : Tollé autour de Habiba la chrétienne persécutée. Benchicou enfonce le clou. Habiba est persécutée. Il en est catégorique. Mais son information est puisée chez ses confrères algériens – en tout cas tronquée des éléments d’enquête susceptibles de donner une vision nette, d’amener à faire la part des choses, d’inviter à plus de circonspection, d’éviter de tirer des conclusions hâtives… Au lieu de cela : des appels quasi ‘’insurrectionnelles’’. Le moindre en fait est que cela suscite la hargne, pousse au chaos – au prétexte de parer au désordre. Pardon, Habiba, si je te contrarie. Et si je t’offense. Nous sommes tous des justiciables. J’aurais été juge, je vous acquitterais. Attends, pas à si bon compte. Prison avec sursis. Je te ferais remarquer – si tu ne le savais pas – et que tu n’en étais pas consciente – qu’il y a une loi qui interdit le prosélytisme. L’Etat pour le bonheur de tous entend la faire respecter. La prochaine fois... la prison ferme.


Boualem Sansal : ‘’Nous vivons sous un régime national-islamiste’’. Boualem revient. Pas seulement en arrière. Ni pour rien. Chez Benchicou, il reprend place à la une. Pensez-vous, si on peut mieux que Benchicou orienter l'opinion. Boualem : une autorité intellectuelle. Même si ses propos sont recyclés, à l'envi. Et son esprit formaté, outre méditerranée. Au final : coups d'épée dans l'eau. Que ça ! L'homme rase les murs en Algérie – son pays qu'il déteste, qui le déteste. Le parallèle islamisme/nazisme, qui en croit vraiment aujourd’hui pour lui tendre l’oreille. Thèse invalide. Ça marche encore chez ‘’nous’’. J'en conviens. Et ça arrange pas mal de monde.


Qu'importe. Monsieur Benchicou opère par identification : aujourd'hui, il prend à cœur l'affaire "Habiba". Humanisme oblige. Peut-être. Mais il veut surtout lui donner une résonance politique et idéologique. Par quel moyen ? Par une vision du monde à la Rama Yade. Ça sent le Sarkozisme …et sans conteste le mépris qu’a l’Occident vis-à-vis de ‘’nous’’. A quel prix ? Cher… trop cher… Je vous le dis : il fait le jeu de certains. Il apprête les consciences à recevoir ‘’le saint sacrement’’. L'essentiel étant pour lui d'avoir raison sur Bouteflika et son pouvoir.


Donc : alignons si vous le voulez bien ces noms et faisons le compte : Benchicou + Sansal + Chebel + Habiba VS Bouteflika et consorts. Très simple ! Opportun veut dire opportunité si ce n'est opportunisme – certains jours. J'oubliais : la grande contradiction ! Monsieur Benchicou, dans un article paru sur Le Matin Dz, donc chez lui-même, a fustigé le Sansal du "Village de l'Allemand" – au même titre que le Marek Halter de tous les partis pris, qu'il dit regretter d'avoir lu. C’était quand il annonça à ses lecteurs qu’il n’irait pas au Salon du livre de Paris. Evident : il n’avait pas le front d’airain de Sansal. Ou peut-être : il n’avait pas de chèque à empocher.


Pas grave : sa colère est maintenant passée… On peut lui pardonner. Aujourd’hui, l’heure est aux règlements de compte. Aussi peut-être faudrait-il aujourd’hui, plus que jamais, régler les pendules à l'heure de Sansal, du Nouvel Obs, de La Croix, de Jésus, de Rama Yade… plutôt qu'à l'heure de Mahomet qu'on mêle à tous les intégrismes et tous les totalitarismes. Qu’on mêle à toutes les intolérances en s’en défendant de faire rien de tel. C’est à se demander quel Algérien n’a pas – peu ou prou – les pieds dans la fange. Puisque notre athéisme, notre laïcité, notre ouverture d'esprit, notre vision de démocrates, sont eux aussi pour le moins entachés d’intolérance. De machiavélisme. La demi-mesure, nos démocrates autoproclamés la connaissent-ils ? Je me demande... Je n'affirme rien. Mais je vois souvent les extrêmes se toucher.


Que l’on soit de la trempe de Sansal ou de Ali Belhadj …la rage. Et la table rase !


Rédigé par

Mohammed-Salah Zeliche

Pour citer cet article :

M.-S. Zeliche, "Sansal : le retour...",
http://sentiers-sentiers.blogspot.com/


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jeudi 13 mars 2008

Littérature et citoyenneté

Rédacteur Agoravox

Littérature et citoyenneté. Le boycott du Salon du Livre en question

La question « l’écrivain et l’éditeur doivent-ils boycotter la version 2008 du salon du livre de Paris ? » entraîne d’office d’autres questions. Telles que, par exemple : tant l’un que l’autre sont-ils tenus d’être les militants d’une cause ? En quoi cet évènement choque-t-il des intellectuels en général, des Maghrébins et des Libanais en particulier ? Boycotter, n’est-ce pas un geste en soi anti-culturel ? N’est-ce pas là le fait d’un inconscient plutôt antisémite ?


Ces questions, dans le contexte actuel, on ne peut ne pas les formuler. Elles suggèrent l’existence d’un certain nombre de non-dits, de compromissions, d’intérêts ou d’enjeux que la culture et ses institutions véhiculent et dédouanent. Les clarifier, ces non-dits, équivaut à situer les réflexes anticolonialistes - du reste ceux des Algériens - aujourd’hui acculés à battre en retraite, sommés de faire des concessions. Non pas que les réflexes anticolonialistes soient les seuls capables d’identifier les atermoiements qui accompagnent cet évènement mais parce que celui-ci offre à leurs yeux des contours puissamment évocateurs.

Les Algériens, on en convient, sont ceux des peuples qui ont été les plus marqués par les atrocités de la guerre, par l’injustice sous toutes ses formes... Aussi, leur conscience historique est-elle incontestablement des plus alertes. Certes cela pourrait prêter à des présuppositions fort susceptibles de colorer subjectivement leurs façons de voir et de juger actuelles. Certes cela risque même de les condamner à une vision archaïque et rigide des choses, eussent-ils été capables de distinguer entre le bon grain et l’ivraie. Ou même de les engoncer à jamais dans des formules alibi, cérémoniales, vidées de vie et insincères. Le pouvoir algérien et, d’ailleurs à peu de choses près, tous les partis politiques trouvent dans la lutte d’indépendance le site précieux indépassable de leurs revendications identitaires pour embringuer leur monde et camoufler leur terrible désordre.

D’aucuns pourtant, en Algérie, sont prêts à brader leur dignité d’hommes ou de femmes, à adopter les pires positionnements, ne serait-ce que pour rappeler à la caste dominant le pays que son temps est bien révolu et ses jours davantage comptés. Ne serait-ce encore que pour rentrer dans le moule apprêté pour eux par la démagogie et les faiseurs de mirages. Or l’histoire, d’une façon ou d’une autre, rapplique, opère des retours époustouflants, persiste et signe... et invite, par voie de conséquence, à plus d’élévation. En d’autres termes : lors même que les Algériens essuient revers, mutilations, frustrations, dénis... de la part des nouveaux maîtres, faut-il pour autant faire table rase de ce patrimoine - moral après tout ?

De là le soutien des Maghrébins apporté de façon indéfectible à la cause palestinienne ; lequel soutien n’est pas que de nature communautaire - comme essayent de le faire admettre BHL, Finkielkraut... et consorts, soit les inconditionnels défenseurs de l’Etat hébreux. S’il n’avait été que communautaire, alors sans doute les Maghrébins auraient eu tort et ressembleraient même à ces derniers. Or leur langage est d’autant plus crédible que légitime : s’inscrivant dans un cadre moral/humain/universel et découlant d’une conscience historique qui ne s’en laisse pas conter.

Dire, comme certains, que l’Algérie n’a rien fait en matière de tolérance et d’acceptation de l’Autre, lors même que cela serait vrai par certains aspects, revient dans maints cas à lui (l’Algérie) reprocher son intransigeance, sa soif de justice allant crescendo. C’est pécher par manque de relativisme culturel et trouver aberrant que l’on puisse dénoncer avec tant de conscience clairvoyante la souffrance des Palestiniens. Cette posture des peuples maghrébins tranche de fait avec l’ensemble du décor planétaire, dans la mesure où ceux-ci sont visiblement coincés entre la cruauté de l’Etat d’Israël, le silence complice de la communauté internationale et la lâcheté évidente des pays arabes. Après ce qui lui est arrivé de redoutable et désastreux en cette décennie 1990, l’Algérie finalement s’avère encore capable d’étonner outre-Méditerranée. Outre-Méditerranée où d’une part, on permet de tuer un peuple ; et où de l’autre, on honore son meurtrier, allant jusqu’à octroyer à celui-ci une tribune inespérée.

Voilà dans quel cadre se pose pour des écrivains algériens la question de la séparation de l’art et du politique, du citoyen et de l’écrivain... Il faut, décidément, bien moins que cela pour ne pas déclencher l’étonnement général.

D’invoquer la séparation de l’art et du politique apporte la preuve d’une conscience compromise. C’est en fait sacrifier à la politique et n’avoir que peu d’égard pour le premier. En effet, si l’art est par nature indépendant, il l’est autant vis-à-vis de la société que vis-à-vis du créateur lui-même. Autant dire illico qu’il est au-dessus des petitesses et ne saurait cautionner nulle dérive. S’en revendiquer à la manière de ceux et celles qui entendent aller à cette version du Salon du livre de Paris - au prétexte qu’il faudrait séparer - revient à se ranger à un credo institué, jadis ou naguère peu importe, pour décontenancer l’intellectuel engagé. Souvenons-nous, à ce titre, de Sartre, Mauriac, Breton, Aragon, Germaine Tillon... dont la parole défie tous les liens - à part celui de la fraternité humaine. Egalement la trilogie Algérie de Mohammed Dib (La Grande maison, L’Incendie et Le Métier à tisser) considérée par la critique non pas seulement comme une œuvre de combat mais essentiellement comme une œuvre humaniste transcendant l’identité étriquée et le nationalisme. Bref, dans ces quelques noms inséparables d’une cause juste, il faut savoir reconnaître tout aussi bien l’homme que le citoyen, l’écrivain ou l’intellectuel.

Choisir le camp de la neutralité est en soi un parti pris ; comme tel, dommageable. Le moindre que l’on puisse reprocher à cette attitude est qu’elle renonce à ses principes pour se laisser inféoder à une idéologie du silence et du mensonge. Car, sinon, pourquoi s’infliger ce clivage pour le moins en désaccord avec l’humanisme et la morale - si ce n’est en désaccord avec une harmonie de soi vers quoi tend toute œuvre littéraire digne de ce nom ? Et, en effet, en désaccord avec cette quête de soi sincère, loyale et altruiste distinguant entre celles des œuvres immortelles et celles des œuvres périssables.

Est-il nécessaire de préciser que ce qui est boycotté n’est pas le peuple juif, ni d’ailleurs les écrivains israéliens en tant que tels ? La manipulation à laquelle le monde assiste, à laquelle il s’habitue et s’abandonne par la force des choses, ne peut qu’inciter ceux dont la conscience n’a pas encore été lobotomisée à lui dire : « Assez ! » Du moins à dénoncer ses sinistres et perfides ressorts. Cette manipulation est celle-là même qui fait dérouler le tapis rouge devant des Etats génocidaires. Boycotter ne signifie guère une implication idéologique de la part des éditeurs et écrivains mais exprime bien au contraire un refus d’implication idéologique confortant la cruauté et lui donnant tous les droits. Nul besoin de le rappeler aux esprits. Nul besoin de poser cette question : « Si les éditeurs et écrivains ne le faisaient pas, qui d’autres le feraient ? » La question est morale, beaucoup plus individuelle et de conscience qu’elle n’est politique ou stratégique.

Y aurait-il une littérature qui ne soit, au moins par défaut, la configuration d’un monde idéal où triomphent la justice, la paix, l’harmonie... ? Toute littérature célèbre ce monde à part où la brutalité n’a guère de place et de droit. Dans la célébration du soixantième anniversaire de la création de l’Etat d’Israël et le caractère forcément pervers de cette invitation, il faut trouver un affront et une violence à l’encontre de la culture elle-même. Sous peine de banaliser l’horreur, il faut garder le réflexe naturel de s’étonner. S’étonner des écrivains qui s’accommodent de l’inhumain mais s’offusquer aussi d’une littérature qui tend à être un simple gadget pour endormir les esprits, les châtrer, les exciser...

Littérature sans conscience. Conscience sans littérature. Quelle posture ? Une telle question suggère l’existence d’un paradoxe qui n’est au fond rien d’autre qu’une façon de fausser compagnie aux valeurs morales les plus fondamentales. Plutôt : fuite, abandon, démission, déloyauté... Littérature et conscience : voilà en fait d’éternelles inséparables. Tandem agissant pour le compte d’une idée de l’homme suprêmement élevée. Si écrire est d’emblée agir pour soi-même, écrire c’est encore doublement agir - sur soi-même et sur le monde. Pour cela, je crois, rien ne vaut mieux qu’une bonne dose de bonne conscience.

Finalement, aller à ce Salon engage et le citoyen et l’écrivain. Pour une simple et bonne raison : l’un ne va jamais sans l’autre. A moins qu’on ne donne dans la schizophrénie, l’amnésie ou qu’on ne vive ailleurs que sur Terre. Dans ce cas...


Par
Mohamed-Salah Zeliche

Pour citer cet article :
Mohamed-Salah Zeliche, "Littérature et citoyenneté", http://sentiers-sentiers.blogspot.com/

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